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Quelle interopérabilité entre les standards de reporting ESG ?

Le point sur les principales initiatives développées à ce jour pour garantir l'interopérabilité entre les différents standards de reporting ESG

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Normes ESRS, standards GRI, normes IFRS… La coexistence de différents cadres de reporting extra-financier au niveau international et européen pose la question fondamentale de leur interopérabilité. Cette dernière s’avère en effet cruciale pour simplifier la tâche aux entreprises et viser davantage d’efficacité dans l’établissement des rapports de durabilité. On fait le point.

Interopérabilité entre les standards de reporting ESG : quels enjeux ?

En matière de reporting ESG, l’interopérabilité désigne la capacité de différentes normes et systèmes de reportings à fonctionner en conjonction les uns avec les autres.

Elle vise ainsi à garantir une harmonisation entre ces différents cadres pour faciliter l’exercice de reportings aux entreprises et notamment pour celles qui choisissent de se conformer à plusieurs standards, que ce soit à titre obligatoire ou à titre volontaire.

💡Notez-le : La notion d’interopérabilité est à distinguer de celle de compatibilité qui signifie simplement que deux normes peuvent être utilisées conjointement sans risque de contradiction. Au contraire, l’interopérabilité entre deux normes signifie que la conformité à l’une garantit également la conformité à l’autre (ou au moins à certaines de ses exigences).

Cette convergence des normes ESG joue un rôle crucial dans un contexte où l’on voit se multiplier les cadres normatifs à l’international. Parmi les principaux systèmes de reporting existants, on trouve notamment :

  • Les normes ESRS de l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group)
  • Les normes de la GRI (Global Reporting Initiative)
  • Les normes IFRS-S de l’ISSB (International Sustainability Standards Board)
  • Le questionnaire du CDP (Carbon Disclosure Project)

Si l’on doit évidemment se réjouir de cette pluralité d’initiatives dans le domaine du reporting ESG, il n’en résulte pas moins un paysage normatif fragmenté et une absence de lisibilité pour les entreprises, auxquels l’interopérabilité doit permettre de remédier.

Quels sont les avantages de l’interopérabilité pour les entreprises et les investisseurs ?

L’interopérabilité permet aux entreprises de se conformer simultanément à plusieurs standards de reporting sans devoir investir de moyens humains ou financiers supplémentaires. Elle constitue ainsi un gage d’efficacité en limitant les “double-reportings” mais aussi les coûts liés à la mise en conformité.

En pratique, l’interopérabilité représente notamment un enjeu majeur pour les entreprises soumises à plusieurs juridictions (multinationales) mais aussi pour les petites et moyennes entreprises (PME) adhérentes à un groupe d’entreprises ou qui choisissent volontairement de se conformer à des standards de durabilité à l’instar de la norme VSME.

Elle permet aussi aux entreprises ayant déjà investis dans la rédaction d’un rapport extra-financier conforme à d’autres standards que les normes ESRS (GRI, CDP, etc.) de pouvoir réutiliser les données collectées dans le cadre de l’établissement de leur reporting de durabilité CSRD.

Enfin, les entreprises qui choisissent volontairement d’”exploiter” l’interopérabilité - autrement dit, de se conformer à différentes normes internationales existantes - sont souvent considérées comme plus crédibles par les investisseurs.

Du point de vue des acteurs des marchés financiers, l’interopérabilité rend la lecture des rapports de durabilité plus aisée et facilite également la comparaison des données divulguées.

Quels sont les principaux standards de reporting ESG concernés par l’interopérabilité ?

Les normes ESRS (EFRAG)

Élaborées par l’EFRAG sous l’égide de la Commission Européenne, les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards) établissent le cadre et le contenu à respecter pour les reportings de durabilité des entreprises conformément à la nouvelle directive CSRD.

Les normes ESRS universelles reposent sur les trois piliers classiques de la RSE : le volet environnemental, social et la gouvernance (critères ESG). Elles couvrent plus précisément 12 thématiques, dont l’une spécialement dédiée au changement climatique (la norme ESRS E1).

En plus de ces normes universelles, applicables à l’ensemble des secteurs d’activité, l’EFRAG travaille également sur la publication de normes sectorielles pour 40 secteurs spécifiques, dont l’entrée en vigueur est attendue en juin 2026.

Les normes ESRS marquent une étape importante dans le reporting extra-financier des grandes entreprises et notamment dans la mise en œuvre d’une interopérabilité entre les différents standards existants.

En effet, la directive CSRD indique de manière explicite que ces normes doivent tenir compte dans toute la mesure du possible des travaux des initiatives normatives internationales afin de “contribuer à la convergence des normes au niveau mondial”. Autrement dit, la CSRD donne pour la première fois une assise réglementaire au principe d’interopérabilité entre les normes de reporting extra-financier.

L’un des principaux objectifs des normes ESRS est ainsi précisément d’harmoniser le cadre du reporting de durabilité au sein de l’UE afin de permettre aux parties prenantes (investisseurs, régulateurs, grand public) d’accéder à des informations claires, exhaustives et comparables.

Les normes de la GRI

La Global Reporting Initiative (GRI) est une organisation indépendante à but non lucratif qui a élaboré dans les années 2000 les premières normes mondiales de reporting sur le développement durable. Les normes de la GRI représentent pour ainsi dire les “bonnes pratiques” mondiales de reporting en matière de développement durable. Elles constituent le principal cadre de reporting ESG utilisé à l’échelle mondiale.

Elles se composent de trois types de normes :

  • Les normes universelles, qui s’adressent à toutes les entreprises qui souhaitent mettre en œuvre une démarche de reporting
  • Des normes sectorielles pour quatre secteurs d’activité considérés comme prioritaires : le pétrole et le gaz / le charbon / l’agriculture, aquaculture et pêche / le secteur minier. Deux normes sectorielles sont également en cours d’élaboration pour les services financiers et le textile
  • Des normes thématiques, applicables uniquement aux entreprises concernées en fonction des résultats de leur analyse de double-matérialité

💡Notez-le : Les normes de la GRI restent une démarche volontaire, ce qui signifie que les entreprises n’ont aucune obligation de s’y conformer dans le cadre de l’établissement de leur reporting extra-financier.

Les normes de l’ISSB

L’International Sustainability Standards Board (ISSB) a été créée par la fondation IFRS en 2021 dans l’objectif d’élaborer des normes de référence mondiale complète et de haute qualité en matière d’informations sur la durabilité, axées sur les besoins des investisseurs et des marchés financiers.

Il repose sur deux normes principales publiées en mars 2023 et entrées en vigueur au 1er janvier 2024 :

  • La norme IFRS-S1 relative aux “informations financières liées à la durabilité” : elle oblige les entreprises à communiquer toutes les informations sur les risques et opportunités liés aux enjeux de durabilité et susceptibles d’affecter leurs flux de trésorerie, le coût du capital et l’accès au financement
  • La norme IFRS-S2 relative aux “informations à fournir en lien avec le changement climatique” : elle oblige les entreprises à communiquer des informations sur les risques et opportunités liés au climat et pouvant affecter leurs flux de trésoreries, le coût du capital et l’accès à des financements.

💡Notez-le : Les normes développées par l’ISSB sont désignées sous la forme “IFRS-S” pour les distinguer des normes comptables IFRS élaborées par l’IASB (International Accounting Standards Board) depuis 2005.

Tout comme les normes IFRS, les normes IFRS-S sont des standards volontaires à moins que les États n’exigent de les rendre obligatoires pour leurs entreprises. En pratique, 143 pays ont choisi de les appliquer dont 98% pays européens. C’est notamment le cas en France.

Le questionnaire CDP

Le Carbon Disclosure Project (CDP) est un organisme international créé en 2000 qui gère un système mondial de reporting pour les entreprises, villes territoires par le biais d’un questionnaire annuel permettant d’évaluer leur impact environnemental.

Très utilisé par les acteurs financiers dans le cadre de leur stratégie d’investissement, le questionnaire CDP se fonde sur un système de notation visant à évaluer la performance environnementale de l’organisation. Il comprend trois questionnaires principaux pour les entreprises :

  • Le changement climatique
  • Les forêts
  • L’eau

À ce jour le CDP constitue le recueil de données le plus vaste et complet au monde sur l’action environnementale des entreprises. Les entreprises qui divulguent des données environnementales par le biais du CDP représentent les ⅔ de la capitalisation boursière mondiale (!).

💡Notez-le : La démarche est également volontaire mais néanmoins fortement recommandée pour faire preuve de transparence et renforcer la crédibilité des entreprises face aux investisseurs.

Comparatif entre les différents standards de reporting ESG

Champ d'application

Du point de vue de leur champ d’application, seules les normes de la GRI et les normes ESRS abordent (pour l’instant) les trois thématiques ESG : environnement / social / gouvernance.

Les normes IFRS-S et le questionnaire du CDP se concentrent en effet uniquement sur le volet environnemental.

Notons cependant que l’ISSB travaille actuellement sur des normes dédiées également au volet social et à la gouvernance.

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Volet environnemental

Si l’on se penche plus spécifiquement sur le critère environnemental, les normes ESRS et les normes GRI constituent les deux cadres les plus complets, suivis du questionnaire CDP et enfin de la norme IFRS-S1 qui se concentre uniquement sur l’enjeu climatique.

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Volet social

Concernant le volet social, les normes de la GRI et les normes ESRS abordent globalement des thèmes similaires, notamment :

  • Le dialogue social et la négociation collective
  • La diversité au sein de l’entreprise
  • La protection sociale
  • La santé et la sécurité des collaborateurs
  • Les actions de formation et le développement des compétences
  • etc.

Les principales différences observables sont toutefois que :

  • Contrairement aux normes de la GRI, les normes ESRS prennent en compte la politique salariale de l’entreprise et l’équité
  • Contrairement aux normes ESRS, les normes de la GRI prennent en compte l’impact des activités sur les communautés locales, l’évaluation sociale des fournisseurs ou la santé et sécurité des consommateurs

Volet gouvernance

Enfin, en matière de gouvernance, les normes de la GRI sont plus complètes que les normes ESRS. Alors que les ESRS abordent uniquement la lutte contre la corruption, le lobbying et les pratiques d’approvisionnement, les normes de la GRI y ajoutent la performance économique, les pratiques marketings et le respect des labels et les comportements anti-concurrentiels.

Quel degré d’interopérabilité entre les différents standards de reporting ESG ?

Dans le cadre de l’élaboration des normes ESRS, l’EFRAG a collaboré étroitement avec les autres organismes (GRI, ISSB, CDP) afin d’augmenter la cohérence et l’interopérabilité entre les différents standards de durabilité.

En pratique l’interopérabilité est formalisée sous la forme de cartographies (mapping) qui mettent en correspondance les données collectées dans le cadre des différentes normes. L’objectif est aussi, à terme, de permettre aux logiciels de reporting ESG de générer plus rapidement des rapports clés-en-main pour différents standards.

ESRS / CDP

Le 12 novembre 2024, l’EFRAG et le CDP ont annoncé l’existence d’une interopérabilité et une convergence importante entre leurs cadres de reporting. Celle-ci résulte d’une collaboration continue entre les deux organismes depuis de nombreuses années.

Une cartographie provisoire a été publiée qui révèle une “similitude substantielle” notamment entre le questionnaire du CDP sur le changement climatique et la norme ESRS E1. Une cartographie complète doit être publiée avant le début du cycle de divulgation du CDP 2025.

Cette cartographie doit notamment permettre :

  • Aux entreprises déclarantes conformément à la norme ESRS E1 de remplir plus facilement le questionnaire du CDP sur le changement climatique
  • Aux entreprises déclarantes par le biais du CDP d’être bien préparées aux exigences de déclaration de l’ESRS E1

Il ne s’agit donc pas d’une interopérabilité complète. Toutefois, le CDP a précisé qu’il étudierait le renforcement de l’alignement du questionnaire sur l’ESRS E1 en 2025.

ESRS / GRI

La GRI a étroitement collaboré avec l’EFRAG dans le cadre de la préparation des normes ESRS pour promouvoir également un haut niveau d’alignement entre les deux systèmes de reporting.

Cette collaboration a abouti à la publication d’une première version du GRI-ESRS-Interoperability Index (indice d’interopérabilité) le 30 novembre 2023. Ce document a été complété le 21 décembre 2023 par le ESRS-GRI Standards Datapoint Mapping, une cartographie qui permet d’identifier pour chaque exigence de divulgation ESRS le point de donnée correspondant dans les normes GRI.

Ces documents permettent aux entreprises intéressées de comprendre les points communs entre les deux normes de reporting.

Par ailleurs, la GRI a précisé que les entités qui publient un rapport de durabilité dans le cadre de l’ESRS seront considérées comme “se référant” aux normes de la GRI. À l’inverse, les déclarants GRI pourront tirer profit de leurs efforts de reporting actuels pour préparer leur reporting de durabilité conformément aux normes ESRS.

ESRS / ISSB

L’EFRAG et l’ISSB ont également collaboré afin d’assurer l’interopérabilité entre les normes ESRS et IFRS-S. Cette collaboration a donné lieu le 2 mai 2024 à la publication par l’IFRS d’un guide d’interopérabilité qui démontre un “haut niveau d’alignement” entre les normes ESRS et IFRS-S.

Ce document fournit une assistance pratique expliquant aux entreprises comment elles peuvent se conformer efficacement aux deux séries de normes. L’objectif est de réduire la complexité, la fragmentation et la duplication pour les entreprises qui appliquent à la fois les normes de l’ISSB et ESRS.

GRI / ISSB

La GRI et l’ISSB ont débuté en 2022 une collaboration pour garantir la compatibilité et l’interopérabilité des informations sur la durabilité au titre des deux séries de normes.

Le 18 janvier 2024, les deux organismes ont publié un document d’analyse et de comparaison qui met notamment en avant l’interopérabilité entre la norme GRI 305 (Emissions) et la norme IFRS-S2. Selon le communiqué de l’IFRS, les exigences de ces deux normes démontrent “un degré élevé d’alignement lié notamment au fait qu’elles s’appuient toutes deux sur le GHG Protocol.

L’IFRS a ainsi indiqué que les entreprises qui divulguent déjà leurs émissions de gaz à effet de serre de Scope 1, 2 et 3 conformément à la norme GRI 305 étaient “bien placées” pour communiquer des informations sur leurs émissions conformément à la norme IFRS-S2.

Les deux organismes ont par ailleurs annoncé le 24 mai 2025 qu’ils s’engageaient à identifier et aligner conjointement les informations communes tant pour l’élaboration des futures normes thématiques que sectorielles.

GRI / CDP

La GRI et le CDP travaillent ensemble dans le but d’harmoniser leurs cadres de reporting et éviter la duplication des exigences de divulgation. Ce partenariat a été renforcé dans le cadre d’un protocole d’accord signé lors de la COP 29. Les deux organismes ont annoncé que des exercices de cartographies seraient réalisés afin d’aligner le questionnaire du CDP sur les normes thématiques du GRI.

CDP / ISSB

Le questionnaire du CDP sur le changement climatique est conforme à la norme IFRS-S2 de l’ISSB. Le CDP constitue donc un outil efficace pour aider les entreprises à se conformer à la norme IFRS-S2.

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Conclusion

Depuis plusieurs années et notamment dans le cadre de l’élaboration des normes ESRS, les organismes de normalisation internationaux œuvrent à garantir un niveau élevé d’interopérabilité entre leurs différents standards. L’objectif est d’aller vers davantage de clarté et d’efficacité dans l’établissement des reportings ESG mais aussi de permettre aux entreprises de tirer profit de cette interopérabilité face à des investisseurs plus exigeants.

Si des différences subsistent, la majorité des standards de reporting ESG internationaux garantissent aujourd’hui un niveau élevé de convergence de leurs exigences de divulgation qui va probablement encore s’accentuer dans les années à venir grâce aux nombreuses initiatives existantes.